La jeune femme releva la tête, étonnée et inquiète à la fois.
"Que puis-je faire pour vous aider?"
L’Esprit se tut un instant, puis reprit.
"Entre dans le Chêne. Là, tu trouveras six de mes frères et sœurs. Chacun possède un élément qui peut me redéfinir. Choisis en trois, donne leur à chacun une de tes pommes et ramène les moi ensuite."
Malgré le côté énigmatique de ces paroles, l’enchanteresse se releva docilement en reprenant son panier. Elle avisa les ténèbres qui se trouvaient au sein du trou béant qui défigurait le tronc du chêne. Prenant son courage à deux mains, elle s’y avança. Une fois le seuil passé, elle fut surprise de constater qu’elle se trouvait dans une clairière semblable à celle qu’elle avait quitté. La différence résidait dans les saisons. Dans son monde, le printemps avait vêtu les arbres de vert. Dans celui des Esprits, l’automne éternel régnait en maître. Si les arbres avaient encore leurs feuilles, une partie avait tapissé et recouvert le sol.
Elle se mit à explorer les environs, confuse et perdue. Ne voyant personne, elle se décida, finalement, à emprunter le chemin d’où elle était venue. Un peu plus loin, elle déboucha sur une autre éclaircie, où l’attendaient deux hautes silhouettes incongrues qui faisaient bien deux mètres de haut. Toutes les deux portaient des toges longues et des masques de couleur et de forme différentes. Celle à gauche portait un masque orné d’un symbole à demi-abstrait pouvant évoquer un sablier. Sa toge semblait taillée dans l’essence même d’un ciel nocturne. Celle à droite avait un masque où deux demi-cercles dorés, qui portaient en leur sein des motifs délicats, se chassaient perpétuellement. Sa tenue, quant à elle, portait les couleurs et la substance de l’Aube.
Le Sablier prit la parole en premier, d’une voix aussi profonde que les Ages eux-mêmes.
"Je suis le Temps. On me chasse toujours mais jamais on ne me rattrape. Tout le monde me possède et, pourtant, tout le monde me perd. Je suis le Temps. Je suis celui qui accompagne les premiers pas d’une vie. Je suis là de la jeune pousse à l’arbre millénaire. Je suis témoin de vos premiers cris de nouveaux-nés et je recueille votre dernier souffle. Je suis porteur de Leçons et de Vérités. Nous savons pourquoi tu es là, enchanteresse. Fais ton Choix."
Le Masque aux demi-cercles s’exprima alors, d’un ton cyclique et mélodieux.
"Je suis le Renouveau. Je suis les Cycles, je suis les saisons. Je porte l’Espoir qu’il n’existera jamais aucune fin. Nul ne me voit et pourtant je suis partout. Quand le paysan plante ses graines, travaille sa terre, récolte les fruits de son travail avant de recommencer le lendemain, je suis là. Quand les éléments dévastent la nature, le feu ravageant une forêt, je suis là quand les premières pousses jaillissent des cendres pour renaître. Je promets le renouvellement. Chaque saison, l’Esprit de votre forêt, celui que l’on nomme la Dryade, périra pour donner naissance à un nouvel Esprit, un successeur jeune, fort, héritier des valeurs de la Dryade précédente."